En quoi consiste la stratégie ESG (Environnement, Social, Gouvernance) de Wendel ?
Christine Anglade Pirzadeh : La stratégie ESG du Groupe est le fruit d’un vaste travail collaboratif. Nous avons ainsi défini une feuille de route à l’horizon 2023 qui s’articule autour de quatre priorités. La première veille, tout d’abord, à la parité femmes/hommes, puis, sur le long terme, à favoriser plus largement la diversité. La deuxième concerne le changement climatique, c’est une évidence, nous sommes tous touchés par ce sujet. La troisième priorité est en quelque sorte un héritage du passé industriel de Wendel, puisqu’il s’agit de préserver la santé et la sécurité des collaborateurs du Groupe. Nous avons étendu cette exigence à celles des consommateurs. La pandémie de la Covid-19 nous rappelle à quel point la santé est un enjeu absolu. Enfin, la quatrième priorité porte sur l’éco-conception – ou performance ESG – c’est-à-dire sur le fait d’anticiper, en amont de la création des produits et des services, leur valeur ajoutée en termes d’ESG. Il s’agit d’innovation. Par exemple, Bureau Veritas avec l’audit Restart a apporté, dès le mois de mai 2020, une réponse proactive à la crise sanitaire mondiale en aidant les entreprises mais aussi les institutions, les établissements scolaires… à reprendre leurs activités post-confinement dans des conditions optimales.
David Darmon : À titre illustratif, en matière d’éco-conception, Constantia Flexibles mène un travail depuis plusieurs années pour rendre ses produits 100 % recyclables grâce au développement de la gamme EcoLam, un nouveau polymère* monocouche respectueux de l’environnement. Cela se traduit par un dialogue étroit et constant avec les clients pour rester au plus près de leurs besoins ainsi que par l’adaptation de l’outil de production et donc par des investissements importants. La promotion de la Recherche et du Développement (R&D) au sein de ses sociétés a toujours été une marque de fabrique de Wendel.
Comment, sur l’ESG, accompagnez-vous les sociétés que vous contrôlez ?
D. D. : Notre rôle d’actionnaire de référence est de fournir l’inspiration puis de garantir l’impulsion sur les sujets ESG, non de faire « à la place de ». Nous nous assurons que la raison d’être des sociétés n’est pas exclusivement focalisée sur la création de valeur, même si celle-ci continue d’être indispensable. Cette raison d’être doit également intégrer les sujets ESG qui sont, eux aussi, créateurs de valeur. Quand nous sommes certains que cette préoccupation est culturellement intégrée, notre devoir est de dialoguer avec la gouvernance des sociétés pour établir les indicateurs de performance les plus pertinents, afin de suivre les progrès accomplis. J’ajoute que nous avons une conception pragmatique de l’ESG qui doit être utile pour les sociétés et leurs équipes.
C. A. P. : Par exemple, quand nous avons acquis Constantia Flexibles, l’accidentologie était trop élevée. Nous avons donc introduit dans la part variable de la rémunération du CEO un objectif sur ce sujet. L’amélioration qui s’est ensuivie a été réelle : sur l’exercice 2020, le taux de fréquence des accidents avait baissé de 78 % par rapport à 2015, année d’entrée de Wendel au capital de la société. Les progrès en matière d’ESG peuvent aussi être constants. La société Stahl illustre parfaitement cela. Pionnière dans son secteur sur les questions environnementales, Stahl ne cesse de s’améliorer : ses émissions de CO2 ont baissé de 25 % entre 2015 et 2019, pour un objectif initial de -10 % ! Nous avons eu une démarche pédagogique pour obtenir l’adhésion des managements de toutes nos sociétés. La préoccupation ESG, en 2021, est maintenant ancrée au cœur de la stratégie de chacune d’elles. Wendel ne se contente pas de donner le cap, mais offre des moyens pour y parvenir, comme, notamment, l’accès à une plateforme de reporting ainsi que l’accès à des experts en ESG.
D. D. : Nous avons instauré pour chaque société des indicateurs de performance ESG, articulés autour des quatre priorités, dont la progression est régulièrement suivie en Conseil d’administration. Nous veillons à ce que cela fonctionne en cascade à tous les échelons. Pour les dirigeants de ces sociétés, il est très motivant de voir ces indicateurs se mettre en place et d’observer ensuite les transformations générées.
C. A. P. : En 2020, un des engagements pris était d’instaurer une feuille de route ESG dans chaque société. L’objet de ces feuilles de route est d’intégrer ces questions à leur stratégie et à leurs enjeux particuliers. C’est indispensable si l’on veut que l’ESG contribue concrètement à la performance globale des entreprises. Ceci est un bon exemple de ce que peut être notre apport en tant qu’investisseur responsable.
Wendel se donne un devoir d’exemplarité. Pouvez-vous donner des exemples ?
C. A. P. : La société Wendel s’est engagée à effectuer son bilan carbone chaque année. Pas tant parce que nous anticipons une empreinte climatique significative pour notre activité, nous sommes une petite société, mais par principe : ce que nous demandons aux autres, nous nous l’appliquons à nous-mêmes. Concernant la parité femmes/hommes, la proportion de femmes au sein de notre Conseil de surveillance atteint 45 %, un taux qui dépasse l’objectif recommandé depuis 2016 par le code Afep-Medef, puis imposé par la loi depuis 2017, de 40 %. Concernant les fonctions exécutives, nous savons que nous pouvons mieux faire. C’est pour cela que nous figurons parmi les premiers signataires de la charte rédigée par France Invest** (Association des investisseurs pour la croissance) visant à favoriser la parité femmes/hommes chez les acteurs du capital investissement français et les entreprises qu’ils accompagnent. Nous nous fixons donc un objectif, à l’horizon 2023, de 30 % de femmes représentant Wendel dans les Conseils d’administration de nos sociétés. En interne, nos efforts se traduisent déjà par des résultats concrets. Ainsi, au 30 avril 2021, notre Comité d’investissement est composé à 28,6 % par des femmes. Nous dépassons donc, d’ores et déjà, l’objectif fixé à 25 % par France Invest à l’horizon 2030.
Concrètement, est-ce que cette stratégie ESG a changé vos processus d’investissement ? Y a-t-il eu un impact sur la manière dont vous étudiez les opportunités d’investissement ?
D. D. : Nous avons déjà mis en place une liste d’exclusion de secteurs dans lesquels nous ne souhaitons pas investir. C’est un premier filtre. Ensuite, pour les sociétés hors exclusion nous menons des diligences ESG approfondies. Si le score est trop négatif, nous n’investissons pas car nous n’avons pas vocation à soutenir des activités qui, selon nous, sont condamnées à terme parce qu’elles vont à l’encontre des grandes tendances actuelles. Notre dernière acquisition sur le territoire américain, Crisis Prevention Institute, fait partie des entreprises à impact ESG positif, en contribuant à changer la vie de milliers de familles et d’institutions grâce à ses formations à la gestion de situations violentes.
Quelles sont les ambitions de Wendel pour renforcer sa politique ESG ?
C. A. P. : Concernant la priorité climat, nous nous sommes engagés à mener un audit du risque climat de nos sociétés. Cet état des lieux permettra notamment à chacune d’ajuster sa feuille de route ESG, en fonction des résultats, pour améliorer son impact climat. Plus largement, nous ambitionnons d’être présents sur les podiums en termes de notation extra-financière. Nous sommes donc très fiers d’avoir intégré, en novembre 2020, les indices Dow Jones Sustainability (DJSI) Europe et Monde, qui valorisent la performance du Groupe dans le domaine de l’ESG. Évalué sur l’ensemble de sa démarche ESG, le Groupe a obtenu une note de 71/100, à comparer à une moyenne de son secteur de 30/100. Wendel est, aujourd’hui, la seule société française dans le secteur des sociétés financières diversifiées (Diversified Financials) à être présente dans les indices Europe et Monde du DJSI. Nous sommes également très heureux de la performance de Bureau Veritas, qui fait, elle aussi, partie des indices DJSI Europe et Monde 2020 et qui devient surtout numéro un du secteur des services professionnels***.
En décembre 2020, pour notre première participation, Wendel a atteint le score climat CDP (Carbon Disclosure Project) de B. Ce score confirme notre démarche soutenue de prise en compte des effets du changement climatique dans notre activité. C’est un travail de longue haleine car les critères de l’« écosystème » de la notation extra-financière sont parfois fort éloignés de nos secteurs d’activité. Ces distinctions nous confortent dans notre démarche. Nous sommes déterminés à aller encore plus loin avec pour fil rouge la création de valeur durable pour toutes nos parties prenantes.
Les indices Dow Jones Sustainability (DJSI)
Lancé en 1999, le DJSI regroupe les entreprises les plus performantes en matière de développement durable, après l’analyse des données de près de 3 500 sociétés cotées dans le monde. Chaque année, les entreprises concernées sont évaluées via le questionnaire Corporate Sustainability Assessment (CSA). Les 10 % les plus performantes en termes de durabilité, selon les critères définis par industrie, sont ensuite intégrées dans les indices Dow Jones Sustainability. Ainsi, au sein du secteur des sociétés financières diversifiées (Diversified Financials) dans lequel Wendel est référencée, seules 17 sociétés rejoignent le DJSI World sur les 162 entreprises ayant été évaluées cette année.
Le saviez-vous ?
Chaque année, CDP présente un classement de plus de 8 000 sociétés évaluées dans le monde entier. Cette ONG, basée en Grande-Bretagne, est en effet spécialisée dans la collecte de données sur les mesures mises en œuvre et publiées par les entreprises en matière de changement climatique.